Source: Sputnik
Margarita Simonian, rédactrice en chef de RT et du groupe de médias Rossia Segodnia.
Dans un entretien exclusif accordé au journal russe «Vedomosti», Margarita Simonian, rédactrice en chef de RT et du groupe de médias Rossia Segodnia, a dénoncé les récentes sanctions américaines visant RT, imposées sous l'accusation d'ingérence prétendue dans les élections présidentielles américaines. Selon elle, ces sanctions ne reposent sur aucune preuve de manipulation directe des votes, mais plutôt sur l'impact de la couverture médiatique de RT sur l'opinion publique : «Personne n'accuse la chaîne de diffuser de fausses informations[...], ils lui reprochent simplement de faire son travail».
Margarita Simonian a contesté la définition d'ingérence électorale utilisée contre RT, expliquant que le travail de la chaîne se bornait à influencer l'opinion par des reportages factuels. «Si influencer l'opinion est synonyme d'ingérence, alors tout journalisme est coupable», a-t-elle déclaré. Elle a rejeté les allégations selon lesquelles RT aurait recouru à des hackers ou manipulé des bulletins de vote aux États-Unis, affirmant que les activités de RT ne dépassaient pas les limites d'un journalisme normal.
La rédactrice en chef de RT a également critiqué la prétendue objectivité des médias occidentaux, qu'elle juge être une façade hypocrite souvent utilisée pour masquer des intérêts particuliers. Elle a argumenté que la réalité du journalisme est inévitablement teintée par les perspectives et les intérêts des journalistes et de leurs patrons, rendant toute objectivité impossible : «Chaque pays défend ses propres intérêts dans les médias d'État, tandis que les médias non étatiques prennent en compte certaines valeurs du propriétaire. L'objectivité est impossible, ce que vous voyez dépend de l'endroit où vous êtes». Néanmoins, Margarita Simonian a affirmé que RT s'efforçait de maintenir une couverture honnête et directe, en évitant la propagation de fausses nouvelles, contrairement à d'autres médias qui, selon elle, n'hésitent pas à utiliser de telles tactiques pour attirer l'attention : «En ce sens, je suis une personne à l'ancienne : je suis contre les "fake news", c'est ma position de principe».
Les États-Unis : «L'Illusion démocratique»
De plus, Margarita Simonian a dénoncé la structure politique des États-Unis, affirmant qu'elle est une «illusion de la démocratie» où les différences entre Républicains et Démocrates sont minimes, et où la tenue de débats exclusivement entre ces deux partis est une anomalie : «Pourquoi les débats ne sont-ils organisés qu'entre Républicains et Démocrates ? Tout le monde y est tellement habitué que c'est comme si c'était normal. C'est un système bien établi. Mais en réalité, c'est anormal et cela a très peu à voir avec une véritable démocratie et l'expression de son opinion». Elle a également remis en question la perception en Russie de la liberté de parole et de presse aux États-Unis, expliquant que l'objectivité n'avait jamais réellement existé dans les médias américains. «Nous avons en Russie un concept complètement erroné de ce qu'est réellement l'Amérique, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression et la liberté des médias», a déclaré Margarita Simonian.
Margarita Simonian a exprimé son étonnement face à l'attitude des médias américains qui, malgré leur prétendue neutralité, soutiennent l'un des candidats lors des élections, mettant en lumière le paradoxe d'une presse dite «libre et indépendante» qui, dans certains cas, prend parti. «Si vous leur demandez comment une presse supposément libre peut soutenir un candidat, ils ne comprendront même pas la question», a-t-elle ajouté.
L'influence de RT sur la scène internationale
La rédactrice en chef de RT a aussi évoqué le moment où RT est devenu un acteur significatif, ce qui a marqué le début des pressions sur la chaîne. Elle a rappelé les déclarations du Département d'État américain qui attribuait le manque de soutien mondial à l'Ukraine en partie à la portée de RT. «Nous sommes habitués aux compliments provenant du Département d'État et de la CIA, mais là, nous étions nous-mêmes surpris», a-t-elle déclaré. «C'était la reconnaissance pour le travail que nous avons fait durant toutes ces années : le fait que RT ait pu influencer à un tel point l'opinion internationale».
Malgré la désignation de RT comme agent étranger par les États-Unis, une étiquette qui vise à handicaper l'organisation aux États-Unis, et les tentatives de restriction de ses opérations, la chaîne a connu une croissance significative en 2023, avec près de 14 milliards de vues pour ses projets. Pour Margarita Simonian, ces chiffres témoignent de la capacité de RT à résister et à se développer face aux pressions internationales. «Les sanctions n'ont fait qu'augmenter notre détermination et notre audience», ajoute-t-elle.
Margarita Simonian a révélé qu'elle avait dû se doter d'une sécurité renforcée en raison de menaces sérieuses contre sa personne, résultant directement des tensions géopolitiques.
D'après la rédactrice en chef de RT, en dépit des obstacles, RT prévoit d'ouvrir une nouvelle chaîne en Serbie et d'augmenter sa présence en Afrique et en Inde. Ces expansions illustrent la stratégie d'adaptation de RT aux environnements médiatiques hostiles et son engagement à maintenir une forte présence internationale.